L’après M restaure les communs

Dans les quartiers nord de Marseille, un fast-food solidaire donne l’exemple. Cet ancien McDonald's s’est transformé en un centre de restauration sociale et d'insertion. Né de la lutte et de la résilience d'une communauté, l’après M se concrétise entre l’économie, le social et l’environnemental. Un endroit où le citoyen reprend ses droits sur les communs.

L'après M à Marseille
L'après M à Marseille, restaurent solidaire. © L'après M

Sur le toit du bâtiment tacheté de bleu et rose, le logo de McDonald’s détourné en l’après M. Sous les lumières nocturnes de Marseille, le M jaune de l’ancien fast-food imprègne les lettres blanches de « l’après », comme un souvenir des luttes qui ont permis son existence. « L’après M s’est créé après une souffrance et une douleur qui perdure depuis des années, à travers la fracture sociale », raconte Kamel Guemari, président de l’association. L’après M est un Fast-food social du 14ᵉ arrondissement de la ville, quartier populaire près des grands axes routiers.

En décembre 2020 des milliers de personnes se réunissent, au 214 chemin de Sainte-Marthe, pour fêter l’ouverture symbolique de L’après M. Sur scène le rappeur Freeman chante l’histoire de ces travailleurs, « Nous avons lutté contre une multinationale, des violences, des intimidations et cette tentative d’immolation [...] ».

En 2019, malgré des promesses d’emploi et de développement économique, le Mc Do de Saint-Barthélemy est placé sous liquidation judiciaire. Il sera réquisitionné lors du premier confinement par d’anciens salariés avec le soutien des riverains et de nombreuses associations. Baptisé L’après M, il devient le centre d’un projet conjuguant banque alimentaire et lieu d’insertion professionnelle, au cœur d’un arrondissement où le taux de pauvreté dépasse les 40%.

Certains employés, comme Kamel Guemari, y travaillaient depuis plus de 20 ans. Depuis des années, ils luttaient, pour leurs droits sociaux, contre une enseigne obsédée par l’optimisation des coûts, contre la droite extrême, contre les préjugés. « Vous cautionnez les squatteurs, M. le maire » jugeait Catherine Pila, présidente du groupe LR durant un conseil municipal décisif en 2021. « Cet établissement a été réquisitionné et squatté par une partie de ses anciens salariés de manière totalement illégale », dénonçait l’élu RN Cédric Dudieuzere. Ce jour-là, le 9 juillet 2021, le conseil municipal vote pour l'acquisition par la Ville, pour 600 000 euros, des locaux de l'ancien McDonald's. Elle transformait ainsi le squat en projet légal.

Invité à l’inauguration de décembre 2020, l’écologiste José Bové se réjouit de la démarche. « Ce lieu est devenu un symbole, [il] dépasse ce quartier ou Marseille, car si c’est possible ici, ce sera possible partout », proclamait le syndicaliste.

À la croisée des chemins entre économie, social et environnement, l'Après M s'engage sur la voie de la durabilité. Au menu, des produits locaux, des formations et des ateliers. « Il permettra de donner des formations qualifiantes à des femmes et des hommes cabossés par la vie et issus des quartiers populaires », rapporte Salim Grabsi, l’un des initiateurs du projet. À cela s’ajoute une transformation en SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) pour impliquer tous les acteurs du projet, (salariés, riverains, collectivités) et un lien étroit avec le Village des initiatives d’entraide (VIE). Cet ensemble de bungalows et conteneurs a poussé sur le parking, pour abriter une plateforme logistique pour les colis alimentaires. Ce village prévoit la mise à disposition de locaux au profit d'associations de maraude ou encore la création d’un jardin urbain. « Dans cette vie, il n’y a pas d’échec, il n’y a que des leçons », promet Kamel Guemari.

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