Enercipa démocratise l’énergie !

Face aux enjeux climatiques, l'énergie citoyenne émerge comme une solution innovante. Au Pays d'Avignon, Enercipa incarne ce mouvement, réunissant habitants et acteurs locaux. Michel Papasian, président de cette coopérative, dévoile l'impact et les ambitions de ce concept qui se démocratise.

Installation Photovoltaïque sur un toit par kindel media via pexels
Installation Photovoltaïque sur un toit © kindel media / pexels

Face à l'urgence climatique et aux enjeux énergétiques, une révolution se dessine au cœur des territoires : l'énergie citoyenne. « Depuis les années 1970, les crises pétrolières et le plan électronucléaire ont généré en France toute une série de réflexions et de débats autour de l'absence de démocratie dans le choix et le déploiement des énergies », raconte Alexis Vrignon, historien des énergies, sur Socialter. Ce manque de démocratie soulève des inquiétudes en termes de sécurité, de durabilité et de justice sociale​. Il conduit aussi à un désengagement du citoyen.

« Les projets citoyens d’énergie renouvelable permettent le développement d’une culture énergétique partagée et la mise en mouvement des citoyens », plaide, sur son site, Énergie Partagée. Au cœur de cette dynamique se trouve Enercipa, au Pays d'Avignon, également soutenue par Enercoop PACA. Cette Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) se consacre à la production d'une énergie propre et renouvelable. Aidé par l'ADEME, le Grand Avignon et la ville d’Avignon, Michel Papasian, président de la coopérative, guide Enercipa depuis 2019. Il répond à nos questions.

Bonjour Michel Papasian. C’est quoi l’énergie citoyenne ?
L’énergie citoyenne, c'est une démarche pour servir l’intérêt général. C’est une démarche participative. Chacun peut participer ou protéger son épargne dans des projets avec du sens. Le but, c'est aussi de promouvoir des économies d’énergies. Parce que la transition énergétique ce n’est pas seulement produire du renouvelable, c’est aussi apprendre à maîtriser ses consommations.

Concrètement, on produit, en circuit court, de l’énergie renouvelable, via des panneaux photovoltaïques. On loue des toitures, on fait installer les panneaux par des sociétés locales. On revend ensuite à Enercoop, même si on mise beaucoup à l’avenir sur l’auto-consommation. Enfin, c’est une manière de produire qui est propice à une démocratisation, et donc à des économies d’énergies.

D’où vient cette économie d’énergie ?
En partie via l’attention portée au moment de la consommation, via des dispositifs (rénovation thermique, isolation, détection de présence, etc), et via la limitation du transport longue distance, qui évite la déperdition. Il y a en plus un effet secondaire d’économie de matière première.

L’important, c’est qu’en s’intéressant à ces questions, le citoyen va prendre conscience des besoins de la production, et va s’investir plus facilement sur les économies.

L’aide d'Énergie partagée a-t-elle été un facteur crucial dans votre développement ?
C’est sûr que là, on bénéficie d’outils, de retours d’expériences, d’échanges entre porteurs de projets sur des réalisations concrètes. C’est vraiment indispensable, on ne part pas de rien.

Vous avez quatre projets en partenariat avec la ville d’Avignon. Comment cela se présente ?
Deux sont en cours d’installation, et deux sont en étude. Pour l’instant, on va envoyer la production sur le réseau électrique via Enercoop, avec un prix garanti sur 20 ans. C’est un modèle éprouvé qui permet d’équilibrer les projets. On va de plus en plus vers l’autoconsommation, notamment collective, qui permet de partager les moyens de production à l’échelle d’un quartier. Avec le Grand Avignon [la communauté de commune] on mène un projet sur une Zone d’activité. Donc avec des citoyens qui sont sur leur lieu de travail.

Vous en êtes seulement au début et vous impactez déjà la communauté locale ?
Ce qui est très intéressant, c'est que ces projets créent des liens entre les habitants d’une copropriété ou à l’échelle d’un quartier. Sur Agroparc, on touche les entreprises, mais aussi la faculté d’Avignon, et il y a une part de la production qui pourra aller vers le résidentiel. Cette démarche d’Énergie citoyenne vers les entreprises est unique en France. Ce ne sont pas seulement les patrons qui s’investissent, mais aussi les citoyens. On s’appuie sur le volontariat des salariés, qui se réunissent pour proposer des actions à leurs entreprises. Et c’est vraiment un laboratoire de la démocratie au sein d’une entreprise. Quand les salariés s’approprient la question, cela a une répercussion sur les autres aspects de la transition énergétique (recyclage, compost…) Ça favorise le bien-être au travail, l’attractivité de l’entreprise. Et en plus ça infuse vers leurs collègues, familles, voisins…

Quelle est, selon vous, la place de l'énergie citoyenne dans l'avenir de la transition ?
Pour nous, en tant qu’entreprise, il y a un vrai impact sur la coopération avec les acteurs locaux. L’avenir, c’est des communautés d’énergie qui portent leurs projets autour de la transition écologique, pas seulement de production d’énergie. C’est primordial de ne pas rester isolé.

Est-ce un modèle que vous pensez voir se généraliser ?
Je suis persuadé que ça va beaucoup augmenter. Déjà, l’État nous soutient. Et surtout, les acteurs locaux prennent de plus en plus conscience de l’intérêt à faire participer le citoyen. Il y a une prise de conscience locale, et un soutien national. On va de plus en plus vers de la résilience territoriale.

Ce sera fait à temps ?
Nous, on est dans l’action concrète, mais il faut continuer à militer pour accélérer les choses. Il y a beaucoup d'écoanxiété, mais justement celle-ci peut être atténuée par l’action concrète. L’action individuelle, ce n’est pas seulement de trier ses déchets, c’est aussi de s’investir dans des projets comme Enercipa pour, ensemble, créer des communs.

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