Sortir de la dystopie productiviste
La montée des contraintes physiques et psychiques au travail contraste avec la modernité. Céline Marty, philosophe du travail, explore cette tension et les implications de la crise écologique sur notre rapport au travail. Elle propose de décorréler le travail et les revenus.
Selon une note de 2019 de la Dare, rattachée au ministère du Travail, la proportion de salariés subissant une contrainte physique (posture pénible, porter des charges, déplacements longs ou fréquents) est passée de 13% environ en 1984 à 37% en 2016. Pendant que ces contraintes augmentent, la productivité continue de croître.
L'idéologie capitaliste valorise le travail comme une fin en soi, aspirant à une productivité sans limites. Pourtant, le travail est avant tout un moyen pour satisfaire nos besoins. Une fois ceux-ci comblés, ne serait-il pas logique d'arrêter le travail ?
C'est l'un des fondamentaux de Céline Marty, philosophe du travail et spécialiste de l'œuvre d'André Gorz. Auteure de Travaillez moins pour vivre mieux (éd. Dunod, 2021). Dans un entretien, elle répond à nos questions. Elle rappelle notamment que la crise écologique résulte aussi de la finitude des ressources, en contradiction flagrante avec la quête capitaliste d'une production infinie. Cette tension est au cœur des enjeux actuels du travail, d'autant plus que la crise climatique affecte directement notre bien-être physique, impactant ainsi notre capacité à produire.
Céline Marty propose le revenu universel comme outil pour promouvoir une sobriété choisie. Il serait un moyen de décorréler l'emploi de la protection sociale. Elle voit finalement en lui une opportunité de remettre en question nos idées préconçues sur le travail et le mérite.