Villes en Transition et démocratie
Depuis 2006, quand Rob Hopkins initia le mouvement des Villes en Transition, des villes du monde entier s'engagent dans la transition écologique. Grenoble, récemment élue Capitale verte européenne, illustre cette dynamique. Mais derrière les initiatives vertes, se cachent des défis démocratiques et sociaux.
« Beaucoup de villes dans le monde se demandent comment nous pouvons essayer de vivre dans le donut, c'est-à-dire d’atteindre les besoins de tous les gens, sans dépasser les limites planétaires. », raconte Kate Raworth, autrice de La Théorie du Donut.
En juin dernier, Grenoble accueillait la Biennale des Villes en Transition. À ce jour, plus de 2000 initiatives à travers le globe sont réunies dans le réseau international de la transition. Elles sont présentes dans une cinquantaine de pays, dont 150 en France.
Quand Rob Hopkins et ses étudiants, initient en 2006 le mouvement dans sa petite ville de Totnes, en Grande-Bretagne, sa préoccupation première est la dépendance aux énergies fossiles. Une vision qui s’élargit avec le temps, et va jusqu’à questionner notre modèle de société. « Nous savons ce que nous ne voulons plus dans notre société [...] Passons maintenant à ce qu’on souhaite réellement de positif et regardons comment mettre nos idées en actes », déclare l’enseignant en permaculture en janvier 2017.
S’agit-il encore « d’inciter les citoyens à prendre conscience » comme l’écrit Transition France sur son site ? Selon un récent sondage Ifop (oct. 2023) pour Intercommunalités de France, « 85 % des Français, estiment que l'adaptation de notre société, de notre économie et de nos modes de vie au réchauffement climatique doit être une priorité. » Un message fort pour les élus locaux, alors que s’approchent les municipales de 2026.
Éviter le gouffre
Réduire la consommation d’énergies fossiles, renforcer la résilience des territoires, développer les liens de solidarité demande des mesures fortes. Sans une implication active des citoyens, ces décisions risquent de s’opposer à la contestation sociale. « [...] entre une adhésion de principe à une mesure et son acceptation lors de sa mise en place, il peut y avoir un gouffre », témoigne Jérôme Fourquet, le directeur du département opinion de l'Ifop.
Capitale verte européenne en 2022, Grenoble, nichée au cœur des Alpes françaises, à su éviter le gouffre (maire depuis 2014, Eric Piolle est réélu en 2020) mais pas l’accident. Cette métropole a embrassé le concept de transition non seulement comme une réponse aux défis environnementaux, mais aussi comme un moyen de renforcer la cohésion sociale. Monnaie locale, énergie verte, démocratie participative, actions sociales, relocalisation... Grenoble voulait répondre à tous les critères en gérant sa transition « par la base ». Mais ces changements, inévitablement, ont généré des crises. Pour investir dans un secteur, le maire rabote un budget ailleurs. Il fait des sacrifices, parfois au détriment des plus précaires, et déçoit ses électeurs de gauche.
Transition démocratique
On le constate depuis des années, le capitalisme freine la transition écologique. Mais la démocratie représentative ne la propulse pas non plus. Qui vote le plus ? Qui participe le plus aux conseils citoyens ? Les classes moyennes. « Les classes populaires participent moins, mais c’est quand même mieux que rien », défend Jean-François Noblet, ancien conseiller départemental de l’Isère. Mais « tant qu’on n'aura pas touché à la question du temps de travail, et permis par la loi d’aller aux conseils citoyens, on voit bien qui a le temps de s’investir », souligne l’ex-conseillé. Aux dernières municipales à Grenoble, au 1er tour, il y a eu 57% d’abstention.
Dans le film Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent, Rob Hopkins raconte son premier choc écologique. « J’avais 18 ans, j’étais avec mes amis et tout d’un coup, je réalise que nous ne savions rien faire. Si nous étions sur une île déserte, nous serions même incapables de savoir comment nous manger les uns les autres », plaisante le chercheur. Une politique de la transition écologique et sociale, c'est autre chose qu’un catalogue des bonnes pratiques de la sobriété. « La transition écologique et solidaire exige beaucoup plus. La gauche écologiste est-elle prête à relever le défi de la nécessaire transition démocratique ? » interroge la Fondation Jean Jaurès.