VERS UNE SOCIÉTÉ CONVIVIALE

Paul Ariès, politologue, il a publié sur ce thème « Ecologie et cultures populaires » (Editions Utopia).

PaulAries

 

Les divers candidats à l’élection présidentielle rivalisent de propositions en matière de nouvelles technologies, les uns s’enflamment pour le nucléaire, la voiture électrique, d’autres rêvent d’intelligence artificielle, de robotisation, de conquête des océans et même de colonisation de l’espace. Nos politiques semblent tous être devenus technophiles. Plus aucun ne s’interroge sur les effets de ces technologies sur nos façons d’agir, de penser, de rêver, d’être ensemble.

Je me souviens que dans les années 1970 le grand slogan anti-nucléaire était « société nucléaire, société policière ». Le nucléaire n’était pas condamné seulement parce que dangereux mais parce qu’il supposait une société de contrôle dans laquelle les citoyens ont l’obligation d’être passifs. La crise actuelle de la démocratie est d’abord celle d’une société dans laquelle les individus ne comprennent plus de quoi le monde est fait, d’où vient, par exemple, l’eau qu’ils consomment, comment est-elle prélevée, assainie, gérée ?

Ce même raisonnement vaut pour tout ce qui permet de vivre. Ces technologies de pointe sont toujours plus invasives au sens où elles façonnent nos modes de vie mais elles nous privent en même temps de toute possibilité de contrôle social. Ce ne sont plus les technologies qui nous servent mais nous qui les servons, d’où le malaise que ressente tant d’usagers face à la complexification des modes de vie ! Une pétition connait en ce moment un grand succès en Espagne car elle rappelle simplement le droit de vivre même pour celles et ceux rétifs/rétives à la numérisation systématique !

Ce n’est donc nullement par opposition à la science que nous devons nous dresser, ce n’est pas contre le progrès en soi, mais contre ces technologies qui nous aliènent et qui nous aliènent d’autant plus qu’elles font de plus en plus système. C’est pourquoi nous devons relire Ivan Illich qui imaginait les conditions d’une société dans laquelle les humains contrôleraient l’outil, il parlait d’une société conviviale dans laquelle les outils eux-mêmes devenaient conviviaux : « J’appelle société conviviale une société où l’outil moderne est au service de la personne intégrée à la collectivité, et non au service d’un corps de spécialistes. Conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil. » (Ivan Illich, La convivialité, Le Seuil, 1973, p.13).

Le mouvement luddite ne s’en est pas pris dans l’histoire aux machines par haine de la technique mais lorsque ces machines ont pris la place des humains : le robot qui remplace le travailleur et le logiciel qui pense à notre place ! Le Système veut nous imposer ce que les experts nomment la révolution NBIC (laquelle résulte des nanotechnologies, des sciences bactériologiques, informatiques et cognitives)…

C’est aux gens ordinaires à opposer à cette fuite en avant une autre conception et une autre pratique de la technologie. Quel candidat s’inspirera par exemple de « l’atelier paysan » qui propose déjà toute une série d’outils conviviaux ? Quel candidat s’inspirera du mouvement des Castors qui juste après guerre sut lancer le mouvement d’auto-construction ? Il ne s’agit pas seulement de faire des économies, mais de se réapproprier le monde qui nous environne, de ne plus être esclave ni des technologies ni des experts qui les servent.

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