L'eau, miroir de deux mondes

La gestion de l'eau en France suscite des tensions. En réponse aux affrontements de Sainte-Soline le président dégaine son "plan Eau". Quand les manifestants réclament une gestion plus écologiste et équitable de l'eau face aux priorités divergentes d'une agriculture productiviste, le gouvernement reste dans sa logique libérale.

L'eau question mondiale | Quang Nguyen Vinh - Pexels

La question mondiale de l'eau © Quang Nguyen Vinh - Pexels

Sainte-Soline, 25 mars 2023 : des affrontements violents opposent quelque 30000 manifestants (selon les organisateurs) à 3200 gendarmes. Le contentieux tourne autour d'une mégabassine, futur plan d'eau à ciel ouvert, inachevée. Plus de 5000 grenades (lacrymogène et GM2L) sont lancées par les forces de l’État. Les explosions retentissent sans discontinuer. Des quads montés par des binômes de la Brav M, arme au poing, labourent les champs. Partout des fumées, tandis que la foule des manifestants s'égrène. C'est une ambiance de guerre. Au bilan des affrontements, plus de 200 blessés, dont 40 gravement, côté manifestants. 47 blessés du côté des gendarmes. Tout cela pour une simple question d’eau ?

Le plan du président
Depuis les rives du lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes), comme en réponse à Sainte-Soline, le président Macron présentait, le 30 mars dernier, son « plan Eau », arme fatale contre les pénuries d’eau.

Pour les particuliers (27 % de la consommation) c’est assez concret. Il annonce une tarification progressive de l’eau, « les premiers mètres cubes seront facturés à prix coûtant et au-delà [...], les mètres cubes seront plus chers pour organiser une incitation à la sobriété. » et un moyen de contrôle : « on va mettre en place une application, sorte « d'Ecowatt de l'eau » qui va permettre de responsabiliser chacun. »

Agriculture et industrie (57 % et 12 % de la consommation) sont plutôt invitées à s’autoréguler : « chaque secteur devra mettre en place un plan de sobriété : celui de l'énergie du tourisme, de l'agriculture… ». Le plan propose même quelques cadeaux : 30 millions par an, lit-on dans les 53 mesures « consacrés au soutien des pratiques agricoles économes en eau. », 50 millions par an pour l’acquisition de zones foncières par le Conservatoire du littoral…

Enfin, le président voudrait réduire les fuites ou encore passer de 1 % à 10 % de réutilisation des eaux usées.

Une culture productiviste
Ce plan présente une réponse assez claire du gouvernement. Ce sont les ménages et les petites structures qui devront faire la différence. Contraints de payer s’ils consomment trop. Contraints de se restreindre en période de sécheresse. Les grandes entreprises seront aidées, à coup de millions, pour faire de leur mieux.

En France l’agriculture est la première activité consommatrice d’eau (57 % du total). La FNSEA représente les plus grandes entreprises du secteur. C’est le syndicat avec le plus de poids politique. Quand il s’agira de décider quoi faire et où vont les subventions, les plus gros prendront logiquement la plus grosse part.

Puisque les libéraux ont beaucoup de mal à demander des comptes à ceux qui reçoivent des subventions, rien n’indique qu’une autre politique sera appliquée sur la question de l’eau. L’exemple du plan de réduction des pesticides est criant.

Priorités divergentes
Dans le monde, en 2020, 74% de la population avait accès à l'eau potable. C'est 12% de mieux qu'en l'an 2000 indique un rapport de l'OMS (organisation mondiale de la santé) publié en janvier 2023. Ce sont aussi 2 milliards de personnes qui n'ont pas un accès sécurisé à cette ressource.

En apparence la situation s'améliore, mais « Le monde est loin d’être sur la bonne voie pour atteindre les ODD [objectifs de développement durable] d’ici à 2030 » lit-on dans ce rapport. Sécheresse, canicules, catastrophes climatiques, « les besoins concurrents en eau de l’agriculture et de l’écologie, les priorités financières divergentes... » analyse l’OMS « mettent en péril la poursuite des progrès. »

Une importante question d’eau
Ce sont ces « priorités divergentes » que venaient dénoncer les manifestants de Sainte-Soline, soulignant des « besoins concurrents » entre une agriculture productiviste et l’écologie. Alertant ce jour-là sur l’absurdité écologique et l’injustice que représentent des mégabassines, les mêmes manifestants se retrouveront demain pour faire obstacle à un projet d’autoroute.

Sainte-Soline dépassait la question d'eau, c'était une lutte pour un mode de vie. D'un côté le gouvernement, justifiant tant de sévérité par sa volonté de protéger une propriété privée, de l'autre des manifestants revendiquant une vision, écologiste et équitable de la gestion de l'eau, qui est loin d’être respectée.

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