Un habit vert trop étriqué

Académicien, Alain Finkielkraut (AF) anime sur France culture, chaque samedi à 9 h, l’émission Répliques, où il questionne deux invités censés débattre sur un thème qu’il a choisi. « Dans quelle société vivons-nous » était celui de ce samedi.  

Le sujet est très ouvert, mais on comprend vite que pour l’animateur qui ne condamne pas Zemmour, il ne va pas s’agir d’écologie ni de justice sociale. De manière caricaturale, il embraye sur les émeutes qui ont embrasé la France ce printemps et maintiendra son cap, en égrenant les micro-événements qui font les unes de CNEWS.

L’a-t-il anticipé ? Alors qu’il les qualifie de « meilleurs spécialistes de la société contemporaine », loin de s’acharner sur les jeunes des banlieues qui seront au centre des ¾ de l’émission, ses invités expliquent ces faits sociaux : historiquement, remontant à la colonisation ; territorialement, l’assignation à domicile (banlieues) ; socialement, les contrôles répétés au faciès ; économiquement, trafics illicites ; sociologiquement, religion et culture différentes… Un argumentaire équilibré tenant compte de la réalité quotidienne de ces gens mal intégrés, en manque de reconnaissance.   

L’objet n’est pas de refaire l’émission, Jean Viard et Jérôme Fourquet ont aimablement fait profiter AF de leur bonne connaissance du sujet tout au long de cette émission qui aurait dû s’intituler « faut-il craindre le grand remplacement ? ».

Une critique quand même qui explique que j’y revienne. Il est en effet très regrettable que les invités aient omis de rappeler deux faits importants qui pourtant aident grandement à comprendre ce qui, à l’origine, a participé à rendre ces quartiers difficiles.

Le premier, c’est l’irruption du chômage de masse, suite au choc pétrolier de 1973 qui a subitement privé d’emploi des gens que l’on allait encore chercher la veille, au Maroc et ailleurs, pour faire tourner nos chantiers, entre autres. La robotisation des usines n’a rien arrangé. Giscard misait sur un mauvais passage alors que nous en sommes à la troisième génération de familles pour lesquelles la promesse d’un avenir meilleur n’a pas été tenue.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               Le deuxième fait important est arrivé plus tard, en 2005. Sarkozy a aggravé le climat déjà tendu des banlieues par des propos injurieux, « racailles », « nettoyage au karcher » et pire dans la bêtise, le coup d’arrêt qu’il a porté à la police de proximité que Jospin avait mis en place et qui commençait à porter ses fruits.

Enfin, sur un énième coup de marteau pour enfoncer son clou, notre académicien questionne Fourquet au sujet du mot dé-civilisation, qu’il a utilisé dans un livre. C’était une allusion aux manques de civisme liés à l’individualisme qui touchent l’ensemble de la société. Et pas aux difficultés de l’islam à entrer dans notre laïcité comme l’attendait AF. Ce qui eut pour effet inattendu et salutaire, d’ouvrir le thème en fin d’émission à la société toute entière, avec ses difficultés dont les Français issus de l’immigration n’ont pas l’exclusivité.                                                                                                                                                                                                                                            

Jean Viard, sociologue, directeur de recherche au Cevipof-CNRS

Jérôme Fourquet, politologue

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/repliques

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