Notre dette au Sud

Hasard de calendrier ? A l’issue d’une semaine de débats agités, pour ne pas dire de pantomimes de sénateurs au sujet de l’immigration, débats dominés par le clientélisme plus que de l’intérêt général, Arte reportage (14mn/38mn) nous montre l’envers du décor.

Nous sommes en bord de mer, dans un village de pêcheurs, au Sénégal. Second producteur de poissons de l’Afrique de l’Ouest, ses eaux sont réputées très poissonneuses. Il y a dix ans, 1 Sénégalais sur 5 vivait de la pêche.

Cependant, là où il y a 30 ans, une équipe de 5 pêcheurs artisanaux embarqués sur leur pirogue pour pêcher au filet, ramenait jusqu’à 200 € de poissons, ils ne parviennent plus qu’à se payer 2 € par jour en se partageant 15 €. Même en travaillant 7 jours sur 7, impossible de seulement nourrir correctement la famille. Au menu, riz sauce tomate. « Tu ne peux pas être un pêcheur, maitriser la mer, pêcher et vendre des poissons et te retrouver maintenant sans poisson pour manger. C’est une honte, c’est une honte ! ».

Pêche industrielle

L’ambiance est de plomb. Face au désespoir, il ne reste que le départ vers les Îles Canaries, à 1500 Km et 6 jours de pirogue au mieux. Ass Diop a déjà tenté 2 fois l’aventure, 2 fois expulsé. Mais il est prêt à repartir, autant de fois qu’il le faudra. C’est à l’avenir de ses 2 enfants qu’il pense, il veut qu’ils aient un avenir meilleur.

Quelle malédiction est donc tombée sur le Sénégal ? Ici, tout le monde le sait : la concurrence de la pêche industrielle, des navires jusqu’à 40 mètres qui peuvent remonter 60 tonnes de poissons en 20 minutes. Ils sont censés se tenir à 10 Km de la côte mais qui contrôle ? L’ONG Greenpeace est bien sur place mais ne fait que ce qu’elle peut.

Moustapha Diouf, miraculé d’une traversée dont il est revenu, tente de convaincre la jeunesse qu’elle à encore un avenir au Sénégal. Il déplore les quelque 7000 personnes qui se seraient noyés depuis 5 ans. Son message : « que le monde comprenne que les pirogues ne vont pas s’arrêter ».

Le clou de ce reportage qui en fait le pendant de la crise migratoire vue de notre côté, c’est que nombre de ces navires sont européens et pêchent légalement suivant un accord signé entre le Sénégal et l’Union européenne. Moyennant 3 millions d’€, 10000 t de Thons et 1750 t de merlus peuvent être ramenés vers nos supermarchés chaque année. Les autres navires sont chinois et se légalisent par un système opaque de licences officielles obtenues par des prête-noms sénégalais. Corruption ? La question est posée.

Ce reportage n’est qu’un exemple de pillage des ressources des pays du Sud que nous pratiquons sous diverses formes depuis très longtemps. Il met en évidence l’indécence d’élus cher payés qui ne font rien qui pourrait aider à résoudre en amont les problèmes de ces gens accablés, mais dont le courage et la dignité sont remarquables.

On peut signer la pétition que propose l’association Bloom qui défend inlassablement la pêche artisanale et met à l’index le thon vendu dans les supermarchés : https://petitions.bloomassociation.org/fr/carrefour/

https://www.arte.tv/fr/videos/030273-935-A/arte-reportage/