Neuromarketing : vendre au cerveau

Comme son nom l’indique, le neuromarketing combine les principes de neuroscience avec le marketing dans le but de stimuler les pulsions du consommateur, souvent à son insu. Personne n'est épargné avec parfois des conséquences dévastatrices.

Mini Cooper, par Maria Geller via Pexels
La Mini Cooper est parfois perçue comme un visage adorable © Maria Geller / Pexels

« Pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible. » Par cette phrase, le PDG de TF1 en 2004, Patrick le Lay, avouait deux choses : d'abord que les émissions de TF1 étaient pensées pour préparer le téléspectateur à la publicité, ensuite, que la publicité ne s'adressait pas à la personne, mais à son cerveau et à tous ses biais cognitifs. Il décrivait le principe de base du neuromarketing.

Cette branche du marketing veut comprendre comment nous vendre des produits sans passer par notre conscience. Le Neuromarketing entend capter notre attention à travers nos pulsions. Grâce à des outils de neuroscience (traçage des regards, psychologie des couleurs, aversion à la perte, ondes cérébrales, dilatation des pupilles...)

De nombreuses expériences ont montré que notre cerveau agit régulièrement seul. Il le fait quand nous respirons, mangeons, ou avons des relations. Il le fait en comblant des vides à travers des illusions d'optique ou des illusions sonores. Il le fait encore, en occultant des informations perturbatrices ou à l'inverse en exacerbant celles qui confirment nos opinions. « La pulsion, c'est mécanique » disait le philosophe Bernard Stiegler, dans le documentaire sur la télé-réalité Le temps de cerveau disponible - le commerce de l'attention (France 2, 2010).

Une étude de 1995, surnommée “The jam study”, montre comment les ventes de confitures bondissent de 3 à 30% quand on réduit à six le nombre de choix possibles. En 2002, Daimler-Chrysler étudie la réaction des hommes face à des images de voitures de sport : la zone "récompense et renforcement" s'illumine, et suggère que ce genre de voiture aurait le même rôle (pour le cerveau) que le plumage coloré des oiseaux mâles. Un géant de la chips découvre en 2009 que les emballages brillants déclenchent des réactions de culpabilité chez les femmes. Il changera ses coloris pour des tons mats et augmentera ses ventes.

Les résultats de la recherche en neuromarketing sont parfois étranges, mais souvent exploitables. Dans son livre de 2008, Buyology : Truth and Lies About Why We Buy (Ed. Penguin Random House, 272p), Martin Lindstrom expose quelques résultats d'études surprenants : Les images de marques dominantes, comme l'iPod, stimulent la même partie du cerveau que les symboles religieux. Les avertissements sur les paquets de cigarettes stimulent l'activité neurale dans une zone du cerveau associée à l'envi. La Mini Cooper doit une partie de son succès au fait d'être perçue comme un visage adorable.

La liste des choses que fait notre cerveau, sans l'aval de notre conscience, est immense. C'est une nécessité qui fait partie de notre fonctionnement humain. La violence des réseaux sociaux, des chaînes de télé et des publicitaires, consiste à abuser de ces mécanismes pour capter notre attention et nous vendre leurs produits. « [Elles] n'ont pas du tout l'idée diabolique de détruire le psychisme des individus, mais les chaînes ont besoin de faire de l'audience, et elle voit que ça fonctionne », nuance Stiegler. Les grandes marques ont besoin de vendre leurs produits, et ne se posent pas de question éthique.

En conclusion du documentaire de 2010, Stiegler était sans appel. « Ce que les gens qui exploitent ça sont en train de faire, c'est qu'ils sont en train de détruire la société. Ils sont en train de détruire toute confiance, ils sont en train de détruire les relations entre les individus, ils produisent de l'incontrôlable, ils produisent des “individus désaffectés”. Ils produisent de la guerre civile ! »

Ce qui fait l'humain, soulignait Freud, le père de la psychanalyse, dans ses écrits, c'est notre capacité à sublimer nos pulsions en désirs. Au lieu de libérer nos instincts sans réserve, comme un animal féroce dans une foule, nous avons le potentiel d'ajourner la gratification de nos pulsions égoïstes, pour les transformer en actions sociales. En exploitant les pulsions, le neuromarketing et la publicité dressent un obstacle à cette dynamique. Pour le dépasser, une première action concrète pourrait être de simplement changer de médias.

Notre projet

jeparticipe

 

Que pensez-vous de notre nouveau site ?

Que pensez-vous de notre nouveau site ?

Choix