MEME AU FESTIVAL DU LIVRE ET DE LA PRESSE ÉCOLOGIQUE, LE MOT "DECONSOMMATION" FAIT PEUR !

Du 19 au 20 novembre 2023, Demain en mains tenait un stand au Festival du livre et de la presse écologique, à Paris, en tant que partenaire. Votre humble serviteur s’y est posé cette question : dans ce temple dédié aux déjà-convaincus de l’écologie, quelle place pour la décroissance ?

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Depuis 20 ans, le Festival du livre et de la presse écologique (FELIPE) est LE rendez-vous incontournable pour celles et ceux qui réfléchissent à un monde plus vert. Durant deux jours, dans une ambiance bon enfant, tous les âges défilent au milieu des stands : des plus jeunes aux plus vieux, des mangeurs-de-graines aux familles en promenade dominicale, jusqu’aux hauts cadres de l’administration environnementale d’Etat, incognitos. Au Ground Zero, à Paris, on lit du livre et du journal écolo. Bref, on joue à domicile.

Le thématique de l’année est d’ailleurs : « Quelle écologie pour demain ? » Et mauvaise nouvelle : la déconsommation demeure un mot bien absent en 2022, presque tabou. Parmi une quinzaine d’éditeurs, parmi onze organes de presse (dont Reporterre, Blast, Le chiffon, Politis, Social Alter…) et parmi une douzaine d’associations présentes, la place prise par ce sujet demeure en effet minime.

Au doigt levé, quatre stands, dont Demain en mains, présentaient un livre ou un magazine ayant un titre affirmé sur cette thématique, parmi une foultitude d’autres sujets écologiques présentés sur l’étale. Bref, autant dire une aiguille dans une botte de foin.

On aurait pu croire que l’actualité aurait fait monter la décroissance en force. Que nenni ! « Entre guerre en Ukraine et pannes électriques, la sobriété s’est invitée dans le débat public, c’est clair, mais dans l’esprit du gouvernement et des Français, le retour à une consommation débridée reviendra ensuite. Ce n’est pas un vrai projet de déconsommation ! » tonne d’emblée Alain Duez, fondateur de Demain en mains, présent sur place.

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Alors, si ! On retrouve, au gré des flâneries, le traditionnel « Vers la sobriété heureuse » de Pierre Rabhi ou encore « Se libérer du consumérisme » par Michel Maxime Egger. Mais seul Utopia assume pleinement ce sujet via trois essais présentés au public. Par exemple, « La décroissance et ses déclinaisons » avec la Maison commune de la décroissance.

« Ce qui est intéressant, c’est d’observer l’évolution du concept : au début, il concernait uniquement le PIB. Aujourd’hui, la décroissance va au-delà. C’est le constat d’une impasse écologique et environnementale. Vouloir toujours plus croître n’apporte pas de bien-être », analyse Denis Vicherat, coprésident de cette maison d’édition indépendante.

La revue Climax, lancée cette année et qui veut rendre « sexy » les sujets environnementaux, a aussi osé en parler dans son premier numéro : « Pas de pitié pour les croissants ». Avec sa maquette colorée et pop, Dan Geiselhart, cofondateur, témoigne : « C’est une thématique qui monte, de plus en plus dans l’air du temps, et on a voulu la traiter dans ce fanzine ». Pourtant, précise-t-il, « la décroissance, c’est le seul mot qui ne peut pas être récupéré par les politiques. Il porte en son nom la contestation et une critique profonde du système capitaliste. » En somme, la sobriété fait moins peur…

Quasi-omerta aussi lors des conférences 

Parmi les nombreuses conférences de qualité proposées par l’association FELIPE (un grand bravo à ces bénévoles !), peu abordaient ouvertement la question de la déconsommation. Aucune dans l’intitulé, du moins. Nous avons assisté aux deux dernières pour en avoir le cœur net.

Dimanche, à 16h, la salle était comble pour assister au débat sur « Quelle énergie pour demain ? » avec Hervé Kempf, rédacteur en chef de Reporterre, Aline Nippert, journaliste, et Alain Gras, professeur de socio-anthropologie. S’il était bien une table ronde où on allait parler de la question de la surconsommation et des limites terrestres, ce devait bien être celle-là…

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Quelques minutes sur une heure trente, la déconsommation a pointé le bout de son nez grâce à Hervé Kempf. Sa prise de position, très intéressante, reste cependant révélatrice : « au sujet des énergies, il faut inverser la logique. D’abord, on s’organise collectivement, on change nos modes de consommation. Puis on lance de nouveaux moyens de production plus écologiques. Il faut accepter que le confort relatif que nous avons vécu, prenne fin ».

Et le journaliste de préciser qu’il faut revoir « nos modes de consommation ». Pas de grosses voitures S.U.V. Pas de batterie électrique de plus de 600 kg. Plus de transports en commun. Plus de petits véhicules petits. Bref, tout est dit, mais le mot honni est évité. Ouf !

Votre humble serviteur ne perd pas espoir... Dernière conférence, à 18h : « Et demain, si on gagnait ? » C’est la clôture du salon avec notamment Cloé Alexandre, doctorante en sciences politiques à Grenoble. D’emblée, la chercheuse part d’un constat : « les classes populaires ne sont pas atteintes par l’écologie ». En cause ? Cette dernière est considérée comme un mouvement politique pour personnes éduquées, qui gagnent bien leur vie (les fameux CSP+).

Quand vient dans la salle une question sur la déconsommation, elle va plus loin: « d’un point de vue communication, c’est typiquement le mot à ne pas employer. Ça résonne comme écologie punitive. Dans l’idée, on peut avoir l’impression que cela prive le peu dont disposent les classes populaires. C’est moralisateur au regard de la pollution actuelle par les plus riches par exemple. Le terme déconsommation n’est pas approprié ». Sous-entendu : pour accéder au pouvoir !

Pour David Cormand, eurodéputé à la rhétorique affirmée, « la décroissance, c’est l’image du donut. Le tour supérieur du donut, ce sont les limites planétaires : eau, climat, biodiversité, etc. La limite intérieure, ce sont les limites sociales : accès au logement, loisir, travail… Une bonne politique écologique se situe à l’intérieur du donut ».

Rondement mené, si j’ose dire ! « Mais que se passe-t-il quand on se situe déjà bien au-dessus du donut ? » ose l’animateur. Silence gêné. Il faut plutôt parler d’écologie solidaire. La décroissance, c‘est un mot négatif. Mieux vaut utiliser le terme de « sobriété écologique », ou « faire baisser l’empreinte écologique ». CQFD.

Chez Demain en mains, nous n’avons pas peur des mots. La déconsommation est au cœur de tous les enjeux climatiques et écologiques : nous ne pouvons pas continuer à ce rythme dans un monde aux ressources finies ! Voilà pourquoi nous étions présents pour défendre ce projet citoyen qui, plus que jamais, demeure nécessaire dans le paysage médiatique français.

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