Le temps heureux du passage à l’acte
En finir avec la domination insolente et funeste du grand capitalisme, nous sommes convaincus que cela ne se réalisera pas d’en haut, même avec un gouvernement de gauche et pas plus dans un affrontement direct. Oublions le Grand soir, ce n’est qu’en coupant progressivement les racines que l’on y parviendra. Et le haut suivra.
Des améliorations ? Peut-être du temps où une croissance économique réelle était possible. Mais ce temps est définitivement révolu : « C’est tout le socle des conquêtes sociales de la Résistance qui est aujourd’hui remise en cause » écrivait Stéphane Hessel en 2010 dans son célèbre livret Indignez-vous !. Nous assistons impuissants à son détricotage sous le chantage de la dette, de la mondialisation et des Agences de notation, émanations sans aucune légitimité démocratique. La puissance de ceux qui détiennent les leviers de l’économie, libérés des frontières et forts de paradis fiscaux, s'impose aux États et font craindre d’éventuels changements radicaux comme le chaos assuré. C’est, en fond de tableau, le discours qui est délivré en permanence aux gens au travers de leur quasi-monopole sur les médias les plus populaires. Nos structures démocratiques sont tenues en échec face à ce bloc.
Or nous sommes face à un impératif incontournable. Toujours Stéphane Hessel : « La pensée productiviste, portée par l’occident a entraîné le monde dans une crise dont il faut sortir par une rupture radicale avec la fuite en avant du toujours plus (…) Car les risques les plus graves nous menacent. Ils peuvent mettre un terme à l’aventure humaine sur une planète qu’elle peut rendre inhabitable pour l’homme. »
Ce qui apparaît impossible à obtenir d’en haut, sera d’autant plus réalisable entrepris d’en bas, que c’est bien là que de toutes les manières, les choses vont se passer, en pire ou en mieux. C’est donc bien là qu’il faut nous investir pour que ce soit en mieux.
Je concluais la semaine dernière sur les conditions structurelles à réaliser pour rendre crédible cette révolution radicale et non violente qui débouchera sur « la reprise en mains de notre avenir par le biais de la relocalisation/réappropriation de notre économie domestique ». Elles tiennent en quelques mots : informer massivement (pour sensibiliser/recruter) et réinventer le voisinage (pour concevoir/mutualiser/entreprendre).
Après création d’une association locale, la première étape – consistant à imaginer et formaliser un projet global d’aménagement adapté au territoire considéré – pourra encore se dérouler sans remise en question du statut de chacun.e, professionnel notamment.
La dernière étape, étalée dans le temps, celle de l’engagement, du passage à l’acte, du saut dans l’inconnu pour certains, signifiera que le lâcher-prise par rapport au système a bien lieu, que les peurs ont été vaincues et que le sentiment de sécurité qu’offre la confiance mutuelle au sein du groupe fonctionne. Cela fait partie d’un regain de convivialité tant attendu.
La foi dans un tel processus révolutionnaire est bien sûr fortement dépendante des expériences vécues par les participants. Mais ces passés différents vont, en se mutualisant, enrichir le groupe, entre ceux qui font déjà leur jardin, ceux qui bricolent, voire ceux plus rares, qui ont participé à la construction de leur maison et les autres qui n’ont pas eu l’occasion de rencontrer ces opportunités.