La publicité est un consumérisme
La pub façonne notre perception de la réalité et a un impact considérable sur notre environnement. Chaque année, dans un monde de publicités omniprésentes, les dépenses marketing grimpent. Les appels à une transformation s’opposent à notre propre dépendance, sociétale et peut-être même mentale.
En 1974 déjà, on questionnait au cours d'un colloque féministe : « Publicité : information, ou aliénation ? » (Le Monde, 8/01/74). Deux camps s'opposaient. Claude Marcus, directeur général de Publicis dans le premier, prétendait que « L'aliénation, cela n'existe pas, qu'il n'y a pas de "besoins inutiles" créés par la publicité, chacun étant assez grand pour connaître ses besoins » L'autre, qui comptait notamment France Govaerts, professeur de sociologie, analysait la publicité comme un « agent de reproduction du système. » pour l'ensemble des relations économiques et sociales.
Depuis, les dépenses publicitaires mondiales augmentent chaque année (727,9 milliards de dollars en prévision pour 2023 – dentsu.com), les réglementations sur le tabac n'ont en rien ruiné les fabricants, Patrick Le Lay (TF1), a avoué : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible », les annonces google ou Facebook sont accessibles à n'importe qui, au Mexique les habitants boivent plus de sodas que d'eau, les publicitaires se sont mis au Neuromarketing, l'affaire Cambridge Analytica a influencé 87 millions de personnes (et fit sans doute élire Trump), etc.
Dire que la publicité influence et crée des besoins inutiles ne choque plus personne. Omniprésente, elle façonne nos désirs, nos comportements et notre perception de la réalité. Mais quel est l'impact sur les individus et la société qu'ils construisent ? Sommes-nous encore nous-mêmes ? Est-ce de l'aliénation ?
En incitant à la consommation, la publicité contribue à la dégradation écologique. « L'industrie publicitaire a une empreinte carbone directe, mais contribue également au changement climatique en stimulant une croissance économique non durable, en promouvant un consumérisme nuisible au climat, et en "greenwashant" des produits polluants et des entreprises. » lit-on dans une étude de l'International Journal of Advertising (n°42, 2023)
D'autres études ont démontré que la publicité a un impact sur notre santé mentale. Sur Theravive (site de psychologie) un article discute de la façon dont les publicités modernes nous fait sentir « pas assez intelligents ou attrayants », et que le produit ou service vendu serait la réponse à une vie meilleure. La Harvard Business Review titre « La publicité nous rend malheureux » avant de nous expliquer comment une étude sur 31 ans et 900 000 personnes de 27 pays européens a identifié qu'une hausse des dépenses publicitaires est en corrélation avec une baisse du bien-être.
De plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer une régulation plus stricte de la publicité. Des initiatives citoyennes, comme le mouvement français Résistance à l'agression publicitaire, (RAP) militent pour une limitation de l'espace publicitaire et une interdiction des publicités pour les produits les plus polluants. Des initiatives qui se heurtent à la puissance des lobbies et à la dépendance de notre économie à la consommation.
La publicité est un moteur de notre système économique. Sans elle, notre modèle de croissance serait remis en question. En 1974, pour défendre la publicité, Claude Marcus affirmait que « la publicité fait partie de l'économie de marché et de la société de consommation, et qu'on ne peut pas s'attaquer à l'une sans vouloir, du même coup, abattre les deux autres. » Il est plus que temps.