Front médiatique pour une décroissance heureuse
Des discours encore très présents pourfendent à juste titre l’abyssal déséquilibre de notre champ médiatique en faveur des milliardaires. La défense d’un équilibre, en tant que cause primordiale qui résoudrait nos graves difficultés existentielles, est cependant dépassée. La liberté de la presse a d’autres chats à fouetter.
D’abord parce que les conditions d’un changement de mains des médias dans un délai raisonnable est illusoire : ce scandale est légal. Mais surtout parce que l’urgence est ailleurs et surtout, à notre portée. Je n’ai pas dit facile. Nous parlons de la responsabilité du capitalisme, et plus précisément de la surconsommation sur laquelle il prospère, dans les multiples situations catastrophiques qui semblent s’être donné rendez-vous, comme pour réveiller nos défenses naturelles. En vain pour l’heure. Il s’agit pourtant des conditions d’existence du monde vivant trop longtemps dénié.
Il est clair que pour les classes dirigeantes et possédantes, qui très souvent se confondent, la priorité est, la préservation de leurs privilèges et pas l’écologie. Ce n’est pas nouveau, mais l’époque veut que ce soit gravissime. Cela change la donne.
On n’est plus dans un besoin démocratique de débats entre deux visions du monde, dominants/dominés, bourgeoisie/populo, travailleurs/rentiers dans l’espoir d’illusoires améliorations. Tout le monde peut sentir que nous sommes déjà en décroissance et que ce qui menace, c’est l’effondrement d’une économie financiarisée fondée sur une croissance devenue impossible qui va mener à l’appauvrissement généralisé.
Un changement d’ère est à l’œuvre : la croissance réelle impossible résiste à une décroissance inéluctable. Les médias indépendants doivent en tenir compte. Après s’être concertés et en se serrant les coudes, nous devons tout miser sur le monde à venir et consacrer une part de nos ressources à faire en sorte que cette bifurcation , dont nous savons qu’elle peut être heureuse, soit connue et comprise du plus grand nombre. Il faut qu’il sache que c’est possible et même une chance d’en finir avec beaucoup d’aliénations.
Avant qu’il ne soit trop tard, que cela semble difficile ou non, il faut que le monde de la presse indépendante se mobilise, en utilisant tous les formats existants (radio, réseau sociaux, médias papier et numériques, bouche à oreille, réunions publiques…) pour constituer un front médiatique de masse au service de la vulgarisation de la décroissance heureuse et de ses développements. Certains médias pourront être des créations avec leur propre modèle économique mais le gros pourrait consister à n’être que des reprises peu coûteuses. Comme déjà dit, un grand collectif citoyen d’aide à la diffusion sera la pierre angulaire de cet édifice à construire ensemble.
L’idéal serait d’écrire ensemble un récit enthousiasmant de ce monde nouveau et d’en assurer une diffusion à plusieurs millions d’exemplaires comme l’a réussi le regretté Stéphane Hessel avec son livret de 30 pages Indignez-vous ! Eu égard aux enjeux, cela vous semble jouable, non ?