"Et toujours les forêts" ou la fin de l'abondance
Ce n’est pas le genre de roman positif à lire pour attaquer l’année 2023. « Et toujours les forêts » de Sandrine Collette nous oblige à regarder - sous le prisme de la fiction - ce que nous ne voulons pas voir : la catastrophe climatique en cours et celles à venir.
Dans ce livre, on ne sait pas vraiment ce qui s’est passé. Un ouragan de feu ? Une météorite ? Une explosion planétaire ? Peu importe… Seuls ceux qui étaient sous terre par hasard – métro, cave, etc. – ont survécu. Tel Corentin, étudiant à l’université en soirée estudiantine dans les catacombes de la ville.
A sa remontée à la surface, il ne reste plus rien. Tout est ravagé. Sans rêves ni buts, il décide de retrouver sa grand-mère, Augustine. Cette dernière vit encore, espère-t-il, chez eux, à la montagne. Il avait tant délaissé celle qui l’avait élevé.
Il prend la route, jonchée de voitures calcinées, de cadavres et d’arbres noirs, comme s’il était le dernier sur terre. Il n’y a plus d’eau, plus de nourriture. Ce roman pourrait ressembler à une nième dystopie sur la fin du monde, à la manière de « La route » de Cormac McCarthy. Pourtant, jamais on ne ressent cette désagréable sensation de déjà-lue.
Sandrine Colette, autrice grand public reconnue, nous entraîne ailleurs. Elle creuse les pentes glissantes de la solitude. Elle nous immerge dans la crasse sordide, les rencontres improbables avec des marcheurs hagards et un chien aveugle.
Dans ce nouveau monde, le silence règne. Sans antibiotiques, les petits rhums deviennent dévastateurs. Chaque matin revient aussi morne que le précédent. Sans lumière, l’espoir et la folie deviennent l’unique horizon enviable. Et derrière, cette question lancinante : quelle survie pour l’humanité ?
La fin de l’abondance
En vrac, voici quelques questions que pose ce roman. Que se passera-t-il quand nous n’aurons plus accès aux supermarchés, à la nourriture à profusion, à l’eau qui coule dans les robinets et au chauffage à volonté ? Que ferons-nous quand de la terre ne poussera plus aucun légume ?
Et si la civilisation et ses lois s’effondraient ? Comment survivre quand du ciel tombera une pluie si acide qu’elle brûle la peau ? Comme un écho à l’actualité et à nos craintes de plus en plus conscientes...
Ce roman n’apporte aucune réponse, si ce n’est l’instinct de survie, la famille ou encore l’amour des autres. Repeupler encore, sans savoir pourquoi, comme une mission viscérale. Un vertige.
« Et toujours les forêts », 2020, éditions J.C. Lattès.
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Photo intermédiaire : Beyza Kaplan