Au fenouil, on cultive la conscience
Le Fenouil à Vapeur, cantine associative à Avignon, sert de lieu de rencontre. Depuis 2007, il accueille des événements comme des conférences et des concerts, et soutient une AMAP locale. Lieu emblématique de la ville, en faveur des solidarités, du lien entre ruraux et citadins, il questionne les pratiques alimentaires et sociales.
Dans la rue semi-piétonne, une petite foule attend devant la vitrine de la cantine associative. Ce n’est pas le lieu idéal pour une conférence. Entre le comptoir à gauche, qui délimite un espace cuisine, et le mur qui lui fait face, le passage dépasse tout juste le mètre. Il faut avancer sur 4 ou 5 mètres pour arriver dans une pièce ouverte, à peine plus grande. Au fond, un jardin, qui n’est utilisé, en cette période hivernale, que pour les AMAP. Une teinte rouge se diffuse, dans une atmosphère chaotique.
Le 14 novembre dernier, le Fenouil à Vapeur accueillait Arié Halimi, avocat de victimes de violences policières. Les étudiants étaient nombreux, les bancs improvisés. « Je ne sais pas vraiment qui c’est, me dit Julien, je suis venu sur invitation de ma prof en science politique. »
L’avocat, membre du comité central de la Ligue des Droits de l’Homme, est venu présenter son livre : L'État hors-la-loi, Logiques des violences policières (2023, La découverte). Quelques jours après, les Amis du Monde Diplomatique avaient organisé la venue de Hugo Palheta, auteur de La nouvelle internationale fasciste, paru en 2022 aux éditions Textuel.
« Je ne suis pas obsédé par les fascistes ni les anti-fa », se défend Jean-Marie Juvin, coprésident de la cantine associative, en référence à ses invités. Mais il me raconte volontiers des histoires de violences policières qu’il a vécues.
Le dernier des cinq
Le lieu, éminemment politique, y compris dans sa gestion, existe depuis 16 ans. « On avait affaire à une ville triste, et assez âgée, des gens plutôt réacs », raconte le dernier des cinq cofondateurs, en parlant du conseil municipal de l’époque. Il y a environ trois ans, l'association s'est transformée. Elle dispose désormais d’un bureau collégial. Huit coprésidents se partagent les projets. La question de l’organisation collective (et pas “citoyenne”), fondement de l’association, reprend de l’ampleur. « Je ne suis pas un citoyen, tient à préciser Jean-Marie. Je ne m’inscris pas dans le cadre municipal, du vote, du manifestant qui va dans la rue tous les trois mois... je suis un habitant de cette ville. »
Au cœur du lieu, Le Fenouil à vapeur, est l’occasion de défendre la solidarité, la vie en commun, le lien entre ruraux et citadins, et « une certaine forme de sobriété », raconte le cofondateur. « La question de l’alimentation, elle est permanente, chaque dimanche, on questionne ce qu’on mange. » Ces jours-là, des bénévoles préparent une cinquantaine d’assiettes, bio de préférence, locales dans tous les cas et végétariennes. L’occasion pour les associations et collectifs de s’autofinancer. Une soirée accompagnée de musiciens, payés au chapeau. « C’est dommage de ne pas payer les artistes correctement » regrette une habituée. Une AMAP (Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne) s’est naturellement greffée au projet. Tous les lundis, des paysans locaux distribuent leurs paniers aux adhérents.
À travers ses activités variées, Le Fenouil à Vapeur ne se contente pas de nourrir ses visiteurs ; il nourrit également un dialogue continu sur des sujets cruciaux tels que la justice sociale, la solidarité, et même parfois l’écologie. Le lieu reflète une volonté de résistance à l’individualisme, questionnant souvent ses propres acteurs. La démonstration que les petits espaces, forcément imparfaits, peuvent avoir un grand impact sur le tissu social et culturel d'une ville.