Révolutionner la Gauche de Hervé Roussel-Dessartre

Dans cet ouvrage très documenté, Hervé Roussel-Dessartre décortique les travers de notre société dominée, imprégnée, conditionnée par un modèle économique que désormais tout condamne. Beaucoup prétendent en sortir mais sans en prendre le chemin. Il propose une direction qui paraît encore radicale, mais qui s'impose à nous, sauf d’accepter un retour à la barbarie.

Il définit d’abord l’être humain, qui est-il ? « Au carrefour de son animalité, de sa psyché et de sa normalisation sociale historique, [il est] un être conditionné, déterminé, prisonnier de son bocal normalisateur et en même temps, un individu acteur et créateur de sa vie et de son histoire ». A la fois victime et responsable.

Puis vient le contexte, « le bourbier dans lequel nous pataugeons. (…)”. Nous sommes comme intoxiqués, étourdis par la frénésie que nous impose le système. « L’air qu’on y respire est celui du capitalisme, cette dynamique d’extension insatiable de l’argent, et plus généralement de l’avoir, à travers la marchandisation. »

Aucune issue n’est en vue. Les forces dites progressistes, partis de gauche, syndicats et mouvements citoyens résistent et luttent sans véritable vision transformatrice. « Cela fait des décennies que nous bataillons avec le capitalisme et il se porte toujours aussi bien, je crains que cela ne vienne de la manière d’envisager les luttes » conclut l’auteur.

On entrevoit la voie proposée par Hervé Roussel quand il revisite notre devise républicaine. « Liberté, égalité, fraternité », ce slogan émane de la révolution de 1789 qui ne fût que la victoire de la bourgeoisie sur l’aristocratie, pas celle du peuple. Et depuis, rien n’a changé sur le fond. La liberté est celle du renard dans le poulailler, « génératrice de l’idéal dominant, de l’hégémonie quand l’égalité n’est qu’un colifichet abandonné à l’opposition (…) ». Quant à la fraternité, négligée, elle comporte pourtant « du commun, de la solidarité » qui pourraient être déterminants dans la révolution à accomplir.

« Au final, que se passerait-il si nous ignorions le pouvoir dominant, si nous construisions en dehors de lui ? ». Ainsi débute le chapitre « Faire société ». La relation différente à l’autre y sera la principale caractéristique en sortant de l’individualisme et en apprenant à se respecter mutuellement pour construire ensemble. « Ce qui signifie qu’il nous faudra apprendre à contenir la liberté érigée aujourd’hui au rang de valeur christique pour laisser pleinement s’exprimer commun et égalité […].»

L’auteur insiste sur la nécessité d’y aller prudemment, en substituant progressivement nos valeurs à celle de l’hégémonie régnante. « Il ne s’agit pas tant de décoloniser, de déconstruire que d’échafauder d’autres normes, de reconstruire un autre monde. » Il nous faut saisir toutes les opportunités de substitutions : « il est nécessaire pour cela d’aller construire dans tous les espaces qui se libèrent, quitte à en libérer certains, une démocratie digne de ce nom, avec des citoyens dignes ce nom, qui décident de ce que doit être leur vie, définissent eux-mêmes les besoins à satisfaire et comment les satisfaire (…)»

Le respect de la nature est au centre de la mutation de même que la fin du consumérisme. Par ailleurs, « ne serait-il pas souhaitable de retrouver l’unité de la vie » en remettant en cause certaines oppositions : personnel et professionnel, travail et consommation, économique et politique, producteurs et consommateurs, lieux de production et lieux de consommation, les communs et la commune, sphère sociale et sphère publique… Autant de questions auxquelles l’auteur ne répond pas, laissant à l’expérimentation citoyenne le soin de décider.

Révolutionner la Gauche est un livre dense qui peut servir à animer des cercles de lecture qui voudraient se lancer localement dans l’indispensable transition.

Ce qu’en dit la Quatrième de couverture 

En plus des inégalités sociales, nous voici maintenant confrontés à la menace d'un effondrement de l'humanité. Or, tous les gouvernements de gauche échouent ne serait-ce qu'à changer la donne. Tandis que le mouvement social s'imagine que de la lutte naîtra une autre société. Face à l'impasse, il est urgent de révolutionner la gauche. Délaissant les mythologies libérale ou progressiste, il nous faut renouer avec l'intention de faire société. Et s'il nous faut certes prendre le pouvoir… c'est sur nos vies bien avant celui des institutions. C'est en effet à la relation entre les êtres qu'il s'agit de redonner corps, loin de l'ego-roi ou de l'asservissement salarié et consumériste. Liberté, Égalité, Communs pourrait devenir l'ambition d'une nouvelle utopie. … Et également la biographie de l’auteur : Militant altermondialiste depuis vingt-cinq ans, témoin des initiatives concrètes alternatives, entre autogestion, squats et Économie solidaire, en passant par la transition et les mouvements citoyens, Hervé Roussel-Dessartre est convaincu que la réponse aux inégalités sociales et au déraillement écologique passe avant tout par la construction effective d'un autre monde.

Révolutionner la Gauche (Hervé Roussel-Dessartre - L’Harmattan, 140 p 17 €)

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