L’écologie locale réveille la démocratie

Fin 2023, la France peine à atteindre ses objectifs climatiques, nécessitant des transformations douloureuses. Simon Persico souligne l'importance de toutes les échelles d'action écologique. Le niveau local en particulier, à 2 ans des municipales, pourrait-être celui où s'impliquent les citoyens.

COP 28 à Dubai. Decembre 2023. par Leo Alfonso / ILO
COP 28 à Dubai. Decembre 2023. © Leo Alfonso / ILO /Flickr

Encore trop de CO2 et pas assez de renouvelable. Alors que la France s’était fixé une baisse de 40 % en 2030 sur les émissions de 1990, elle n’avait atteint que 18,5 % en 30 ans. Il faudrait multiplier les efforts par deux, voire par trois selon les experts.

Des efforts qui vont peser sur tous, qui requièrent « des niveaux de transformation qui sont vraiment colossaux, qui seront douloureux, et qui impliquent d’accompagner des gens qui vont en souffrir », prévient Simon Persico, spécialiste de l’écologie politique, qui répondait à nos questions.

Écologie punitive ? « L’écologie se doit d’être populaire » écrit Anne Le Strat, consultante auprès des Nations unies et ancienne élue écologiste. Notamment en impliquant le citoyen aux décisions locales. Sans cette acceptation, impossible en démocratie de faire accepter les mesures à venir.

L’échelle locale apparaît alors plus pertinente. Dans de nombreuses communes, les maires ont mis en place des conseils de citoyens pour faire accepter les changements à venir.

Le local plus efficace ?

Mais ce n’est pas pour autant que les communes et les mairies sont une échelle plus pertinente pour les actions écologiques, selon Simon Persico.

« Pour moi, il n’y a vraiment pas d’échelle. Toutes sont pertinentes et importantes. Vous voyez bien, quand on réfléchit à la COP, on ne peut pas dire qu’il ne se passe rien. Il se passe des convergences sur des manières d’aborder le problème. C’est important, puisque c’est un problème de nature internationale. Le niveau national, c'est fondamental aussi, le niveau national décide de ce qu’on a le droit de faire ou de ne pas faire. »

Cette division des échelles, que Simon Persico qualifie de « factice » n’est même pas justifiée par plus de marge de manœuvre de la part des villes. Si elles sont plus puissantes que les petites communes via une « sociologie qui est favorable à ces politiques », les villes restent fragiles par rapport à un État central.

« Parfois, elles sont proactives, et touchent des limites nationales. Par exemple sur la loi EGAlim, ou l’attribution de files pour le covoiturage, qui avaient besoin d’un cadre national. Ce sont quand même des acteurs politiques particuliers, qui sont dans l’application concrète et peuvent être entendus ou pas. Ils sont dans un rapport de force et dans un monde idéal, on espère que les maires de France soient plus entendus que les patrons du CAC 40. »

Des maires globalement partisans

Ce qui donne aux maires, on s’en doutait, un pouvoir colossal, souvent influencé par des idéologies.

« Vous trouverez toujours des exemples de maires de droite qui mettent en place des politiques de transition écologique assez intenses. Ayant dit ça, c'est plus probable de voir des politiques assez actives dans les communes de gauche. Ce qui différencie les mairies vertes, c’est l’avancée d’un peu tous les indicateurs à la fois, alors que dans d’autres mairies, on va plus se concentrer sur certains secteurs (les déchets, les transports, le chauffage urbain ou les cantines.) »

Mais qu’est-ce que l’idéologie ? Est-ce seulement un carcan imposé par les partis ? Selon le politologue, il y aurait du personnel même dans le partisan.

« C’est impossible de distinguer les deux. Après 20 ans d’étude politique, je peux vous le certifier. Les responsables politiques sont avant tout des gens dont l’intérêt premier est d’être réélu. Il y a le désir de faire des politiques publiques, mais il y a surtout la conviction d’être élu pour les mener. L’uniformité après, on la comprend bien. Les électeurs de droite n’ont pas les mêmes intérêts. Ce ne sont pas les mêmes catégories sociales, ou ce sont des gens qui sont dans des types de métiers où les législations environnementales qui les embêtent. »

L’écologie au ralenti

Un état des lieux qui met l'écologie en vitesse réduite. La faute à un « système politique qui ne permet pas vraiment que ces sujets-là soient discutés. Parce qu’il est capté par d’autres enjeux qui viennent (l’immigration, la dette…), d’autant plus qu’elles impliquent des niveaux de transformation qui sont vraiment colossaux, qui seront douloureux, et qui impliquent d’accompagner des gens qui vont en souffrir.

Et puis la structure politico-économique est quand même dominée par les intérêts économiques, industriels et marchands, qui défendent la structure de l’économie telle qu’elle existe, le maintien du capitalisme… Et c’est le nerf de la guerre. »

Une lenteur qui fait peser sur le monde les dangers climatiques et environnementaux, mais provoque aussi des risques pour la démocratie, admet Simon Persico. « À partir du moment où vous êtes inefficace pour régler un problème qui est très important, on peut questionner la légitimité du système. »

La question de la citoyenneté se pose donc à nouveau. Appelant un changement radical. D’autant que la solution pour une écologie populaire pourrait aussi apporter un apaisement démocratique au niveau national.

Étiquettes

Sur le même thème